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LE FRANÇAIS

puisque vous n’avez qu’une fille. Mais voudra-t-elle se marier, Melle Marguerite ?… Et alors ?…

Jean-Baptiste Morel, un instant, demeura interloqué ; il ne savait quoi répondre. Il était, à ce moment, pris par surprise. La dominante de son caractère, on l’a vu, était l’indécision. Pour peu qu’en une affaire, voire la plus menue, il y eut lieu d’atermoyer, il saisissait l’occasion aux cheveux, et il renvoyait, et il différait.

Cette disposition tenait de l’état précaire de son esprit, incapable par une foule d’idées harcelantes le tirant en sens divers, de se résoudre, de vouloir… Il fallait agir, et il discutait avec lui-même, analysant minutieusement les motifs, ratiocinant à perte de vue… Il n’avait jamais osé rapporter à sa fille la conversation qu’il avait eue, au mois de septembre, avec son ami André Duval qui lui avait annoncé les nouvelles dispositions de Jacques. À ce moment, il se trouva donc assez dépourvu… ou plutôt, il était encore convaincu que Jacques Duval était revenu à la terre pour de bon ; aussi, finit-il par dire à M. Larivé :

« Ma fille mariera un habitant comme moi… Ma fille aime ma terre, vous savez, plus que je l’aime, et pensez-vous qu’j’aurais assez peu de cœur pour lui arracher cette terre qui sera à elle, un jour. »

Léon Lambert, à ce moment, se leva, passa dans la cuisine, alluma un fanal et s’en fut à l’étable faire, comme chaque soir de l’hiver, avant le coucher, une dernière visite aux animaux.

Les deux hommes restèrent seuls.