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LE FRANÇAIS

de tel ou tel côté… L’on percevait encore deux ou trois coups isolés, puis un long craquement, le fracas d’une chute avec des heurts de branches broyées et le bruit sourd d’un corps lourd plongeant dans la neige molle. C’était la mort d’un arbre de la forêt. Il en mourait, comme cela, chaque jour, des centaines…

Après l’abattage, ils étaient ébranchés, sciés en fûts qui étaient chargés sur des traînes et transportés, au milieu de mille difficultés, aux « roules » qui montaient, montaient presque au sommet des cimes des arbres…

Le jeudi soir, deux jours avant le Dimanche Gras, Jacques Duval annonça au « foreman » qu’il avait décidé de profiter de sa permission et qu’il partirait pour Ville-Marie avec Charles Castonguay dont l’engagement prenait fin avec février, et qui voulait s’en aller :

« Mais t’es fou, mon garçon ! » s’était écrié Pitre Grosleau, « tu vois donc pas l’temps qu’il fait !… J’vous demande un peu, y a-t-il un chrétien qu’est capable par un temps pareil d’faire soixante milles dans l’bois et sur l’lac ?… »

« On a des bonnes raquettes », avait répondu Jacques Duval, « on a des provisions et on est bien habillé ; on a aussi chacun une bonne hache et un fusil ; on est bon !… »

Toutes les raisons que crurent apporter le « foreman » et les plus anciens du campe se butèrent à l’obstination de Jacques et de son ami qui s’était joint à lui…

Ils partirent, le vendredi matin, à la fine pointe de l’aube, chacun muni d’un baluchon contenant des