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LE FRANÇAIS

gé et à la tête ronde et finaude, aux allures vives et aux yeux perçants, les lièvres, innombrables, aux jarrets élancés et à la mine éternellement effarée, les loups au regard de feu et aux crocs acérés, les perdrix craintives des bois francs et les gélinottes ardoisées des sapins… Ah ! quelle belle assemblée remplissant toute la clairière et garnissant, en grappes compactes, les branches dénudées de la lisière du bois !… Comme, dans le silence glacial de cette belle et forte nuit polaire, se fut faite attentive cette réunion de fauves variés et farouches ! Encore que les portes du Campe à Pitre eussent été hermétiquement closes, ces bonnes bêtes des bois, de tout le battant de leurs oreilles pointées, eussent entendu, sans en avoir peur, mais, au contraire, avec de grosses larmes rondes coulant de leurs grands yeux rêveurs, des voix d’hommes larges et profondes, chanter des paroles à la gloire du Maître naissant de toute la Nature !…

Mais, non, la clairière du Campe à Pitre était déserte, et nue, et blanche de plus d’un mois de neige continuelle… Après une accalmie de quelques heures, la neige s’était remise à tomber avec une abondance, une plénitude qui faisait presque plaisir à voir. Il y eut un instant de lune flottant dans un firmament voilé, crevant d’un rayon blafard, vers minuit, les avalanches qui se précipitaient d’en haut… et toutes les bêtes du bon Dieu, au fond des bois profonds, en cet instant de la Nativité, songeaient, aimaient ou dormaient…

L’on chantait à plein gosier dans le Campe à Pitre : la plupart des vieux Noëls y passèrent. Les voix