Page:Potvin - Le Français, 1925.djvu/283

Cette page a été validée par deux contributeurs.
269
LE FRANÇAIS

bou aux formes élégantes, à la robe d’un beau brun tirant sur le blanc vers les flancs. Cet animal qui rôdait depuis quelques jours aux alentours du Lac-des-Loups, commit l’imprudence de s’aventurer dans les environs du Campe à Pitre, à la lisière d’un hallier de sapins près duquel deux claireurs du campe étaient depuis le matin occupés à layer une futaie. L’un d’eux avait un fusil. Le malheureux fauve fut vite éventé ; et ce ne fut pas long. Il allait bondir de toute la vitesse de ses souples jarrets quand un fracas terrifiant emplit ses oreilles pointées ; un frisson le parcourut de ses sabots fourchus à son bois rameux, et il s’abattit comme une masse sur la neige, le cou tendu comme pour humer l’air, une dernière fois. Un cri de joie partit, triomphant, de deux bouches, et les claireurs n’attendirent pas même la fin de la journée pour traîner lentement, avec d’infinies précautions, jusqu’au campement, à travers les cépées et les chablis du sous-bois, leur glorieux trophée. Quels cris joyeux accueillirent la « prise » des deux claireurs quand les hommes arrivèrent, le soir ! Ce beau coup de fusil fut d’autant plus apprécié que le caribou est assez rare dans cette partie de l’Outaouais et que, cet hiver-là, au grand regret des bûcherons, le gros gibier, à cause de l’abondance de la neige qui cachait les jeunes pousses et la mousse, était rare dans la forêt, et qu’enfin, cette « gazelle des neiges » tombait dans le campe juste la veille de Noël, quand on venait d’apprendre que le missionnaire, en tournée dans les chantiers de la McLaughlin, avait fait annoncer à Pitre Grosleau, le