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LE FRANÇAIS

assez large pour faire passer un enfant qui allait, au dehors, enlever une partie de la neige qui les empêchait d’ouvrir. De certaines maisons, exposées au vent de l’ouest qui charriait continuellement la neige, l’on devait, pour gagner le chemin, creuser des tranchées si profondes qu’au fonds l’on ne voyait du ciel que large comme un ruban. Bref ! toutes la vallée du Témiscamingue n’était qu’un vaste océan de neige où tout était noyé : rochers, taillis, champs et maisons. Au-dessus de cette mer, les cheminées des maisons, souvent invisibles, étendaient comme des bans de brouillard leur fumée qui indiquait qu’en-dessous de ces vagues immobiles, l’on vivait.

En janvier, ce fut comme une longue et lente avalanche tombée du haut du ciel ainsi que du flanc d’une montagne se détache un « éboulis » sur un coin de village… Et la baie, et le lac ? Une vaste nappe éclatante de blancheur, comme des draps après la lessive, épaisse et lourde, faite de couches pressées les unes sur les autres et formant à la fin comme un tuf blanc, crayeux. Au milieu de cette étendue blanche, zigzaguait en tranchée profonde, au talus couronné de balises de jeunes sapins, le chemin de glace de Ville-Marie à Haileybury. Toute la peine que l’on se donnait pour entretenir ce chemin, ou plutôt, ce couloir blanc et froid, sans cesse obstrué après chaque chute de neige ! Toute la misère que d’impatients voyageurs enduraient quand, les matins de tempête, ils s’aventuraient à faire la traversée avant que le chemin ne fut déblayé ! Les chevaux, traînant péniblement les carrioles ou les ber-