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LE FRANÇAIS

peu qu’elle agitait la tête, les mèches folles prenaient leurs ébats. De toute la personne de cette jeune fille émanait comme une grâce empreinte de dignité et de noblesse. Elle avait vingt ans. Tout compte fait, Marguerite Morel était une jolie fille, pleine de jeunesse et de fraîcheur, possédant même certains détails de grâce privilégiée dont rêvent les femmes du monde qui veulent se venger d’être pâles et maigres. Dans la grande lumière qui entrait à flots par la fenêtre, les cheveux follets de sa chevelure s’embrasaient et faisaient comme une auréole à son visage penché au-dessus de son travail.

À la maison, Marguerite était chargée plus spécialement, à part le ménage de l’intérieur, des travaux du jardin. Là comme partout ailleurs, au poulailler, à la grange, elle abdiquait toute coquetterie, toute prétention juvénile. Sans pitié pour la délicatesse de ses mains, pour le frais incarnat de ses joues, la blancheur laiteuse de son cou et de ses bras, elle bêchait, sarclait, renchaussait, binait, fouillait la terre de ses doigts, durant des journées entières alors que le jardin, exposé au soleil, n’avait pas un coin d’ombre. Aussi quel air de santé rayonnante dans toute sa personne !

Depuis la mort de sa mère, c’est Marguerite seule qui besognait à tout le train de la maison. Elle avait l’accoutumance de tout. Toutes ses journées se passaient dans la dure tâche quotidienne à mener rondement et à bien. Aussi, était-elle faite, entièrement, à cette vie qu’elle ne rêvait jamais autre. Pourtant, c’était toujours la même existence quiète, modeste, uniforme ; les