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LE FRANÇAIS

mières neiges, l’on tue les porcs qui ont été engraissés pendant toute la belle saison dans des souils où on les a gavés de « bouette » de son et de blé d’inde. En novembre, ils sont bons à tuer. Ils représentent pour le cultivateur l’approvisionnement de lard pour la famille, pendant l’hiver qui vient, et de bonnes sommes d’écus sonnants pour le lard qui sera vendu sur les marchés. Le jour de la boucherie est une fête pour la famille et les voisins. On dégustera, pendant toute la journée et le lendemain les morceaux fins et frais du porc. L’on enverra, en « présents », au curé, au maire, au notaire, au médecin, et à quelques autres notabilités de l’endroit, un rôti pris dans le « soc » et au creux duquel l’on aura placé une demi douzaine de bouts de boudin rouge ; et ce cadeau cimentera l’amitié pour toute l’année ou réglera une dette de reconnaissance. Il arrive ainsi que la moitié d’un porc est distribué en « présents ». Mais l’on est peu regardant, d’ordinaire, en ce qui concerne les victuailles, chez le cultivateur canadien. La souil est remplie de porcs à l’engrais et tant que le « quart à lard » de la cave n’est pas rempli de carreaux blancs et rosés, l’on peut faire boucherie.

Ce matin donc de la Sainte-Catherine, l’on avait fait boucherie chez Camille Gagnon où l’on avait fait « adonner » cet événement avec la veillée des jeunesses, le soir. L’auteur de la clameur qui, le matin, avait rempli le village d’effroi était un cochon énorme qui, une fois « débité » avait pesé quatre cents livres, sans les « fournitures ». Tout le monde s’émerveillait de cette belle pièce qui avait été engraissée, pendant tout l’été