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LE FRANÇAIS

À ce moment, Marguerite et Jacques longeaient un taillis qui bordait, de chaque côté, le bas du chemin du Rang Quatre qu’ils avaient atteint. Le silence du crépuscule s’était accentué et un immense repos gagnait la campagne. Mélangé de genêt, le jeune bois du taillis s’élevait en pente douce ; des halliers avaient poussé autour de souches d’anciens arbres depuis longtemps abattus et dont les troncs étaient à demi enfouis dans la mousse. Ils cheminaient côte à côte dans la mélancolie de la brunante qui avait submergé la lisière. L’air était encore plein de lueurs éparses et toute la vie invisible du petit bois ne pouvait toujours pas se taire. Les pas des deux promeneurs résonnaient avec sonorité sur le chemin et l’on entendait distinctement bruire sous les semelles les feuilles sèches détachées des bouleaux et qui roulaient devant eux. Au bord des champs, dans l’ombre envahissante, qui pesait sur elles, les maisons et les granges se renfrognaient pour la nuit. Un chien, au loin, à l’autre extrémité du Rang, jappa, et un autre à voix puissante lui répondit d’une ferme plus proche.

Jacques Duval ne parlait plus et Marguerite également gardait le silence. La jeune fille avait écouté sans l’interrompre l’ardent plaidoyer de son compagnon en faveur de la vie qu’il rêvait de lui faire partager. Elle n’avait pu s’empêcher d’admirer sa belle sincérité et avait pris plaisir à sa fougueuse éloquence. Mais elle se sentait forte, elle aussi, d’une conviction ardente, solide comme les racines d’un chêne. Plusieurs fois déjà elle l’avait exprimé à Jacques, cette conviction qui