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LE FRANÇAIS

Jabotant à langue folle comme un merle dans un sapin, Jacques Duval avec complaisance se mit à étaler devant Marguerite ses ambitions et le rêve incessant de sa vie. D’un coup d’aile, s’élançant vers les nuages bleus, il bâtit à Marguerite un nid mollet dans le duvet et dans la soie. Chassant la fiction, il cherchait à se complaire dans les choses les plus positives de la vie. Il se dit sûr de trouver une bonne place à Montréal, miroir aux alouettes des jeunes campagnards canadiens. Il n’avait donc pas à appréhender les jours de chômage forcé des débuts quand l’on cherche en vain le travail. Et alors, ses journées seraient pleines, occupées, fécondes en imprévus. Il n’aurait plus à ployer sous le fardeau d’ennui des journées silencieuses passées seul avec les bêtes et la glèbe. Puis, il avait pensé à un modeste et propret logement dans une rue tranquille et reposante ; il y aurait, en arrière, un petit coin de terre que l’on transformerait en un jardinet et où il viendrait assez de fleurs et de légumes pour entretenir le souvenir du pays natal. Quelles soirées reposantes, ils passeraient dans le logis douillet comme un nid de pinsons, bien clair, enveloppé dans les nappes réjouissantes de la lumière électrique, meublé avec confort, sans aucune des privations des rudimentaires maisons des campagnes où tout manque, où tout est incommode, et où, dans le silence énervant des soirs, l’ennui descend des plafonds obscurs que ne peuvent réussir à éclairer, même d’une lueur d’étoile, les feux tremblants et maladifs des fumeuses lampes à pétrole. Il disait la douce et égale chaleur des calorifères qui font oublier