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LE FRANÇAIS

Puis, sur la place de l’église, les groupes se dispersèrent. Comme le Rang Quatre n’est pas loin du village et qu’il fait beau, Jacques Duval a demandé à Marguerite Morel la permission de l’accompagner chez elle. Léon Lambert s’était discrètement retiré.

Déjà le crépuscule des jours courts de novembre commençait à tomber sur la route et sur les champs. Le froid était vif pour la saison, et la route, dure comme le granit, faisait résonner haut dans le silence vespéral les semelles des souliers cloutés. Tous les bruits se sont éteints dans la campagne, et Jacques et Marguerite sont seuls sur la route. Le silence qu’ils gardent d’abord, tous deux, comme la nature, est embarrassant ; aussi, Jacques, peu enclin à la rêvasserie sentimentale, sent-il le besoin de le rompre le plus tôt en engageant la conversation sur le sujet passionnant de l’heure :

« Nous sommes pas loin sans neige, hein, Marguerite ? »

— Oui, la bordée de la Toussaint va nous arriver peut-être demain ; on dirait qu’elle est en retard, un peu. Voilà un automne comme il y a longtemps que nous n’en avons pas eu. Chez nous, la terre est encore « meuble » et l’on pourrait semer de nouveau, je crois, dans les pièces basses.

Il y eut encore un silence que seuls coupaient les pas menus sur la route durcie. Puis Marguerite risqua, cette fois, la première :

« Et comme ça, Jacques, tu es bien décidé de partir pour les chantiers ? »