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LE FRANÇAIS

« Ça empêche pas, mes vieux, qu’on avait, dans c’temps-là, bonguiennement plus d’« fun » qu’on en a au jour d’aujourd’hui, dans les « chanquiers ». On s’amusait, vous savez, dans mon temps, su l’Saint-Maurice où on faisait, comme vous savez, des « chanquiers » terribles. Su’l’Ottawa, on s’amusait, nous autres, un peu moins, rapport qu’il est bon d’vous dire qu’y avait là trop d’Englishs et d’Irlandais dans les campes et qu’on était toujours en chicane avec c’monde-là. Si vous aviez vu ça, mes p’tits ! Ça s’battait tous les saints soirs que l’bon Dieu amenait. Nous autres, vous savez, les Canayens, ça va pas avec les Englishs et les Irlandais. Ah ! les frappe-abords !… Mais su l’Saint-Maurice, ah ! nom d’un p’tit pétard de Sorel, ce qu’on s’est amusé là ! On était rien qu’des Canayens qu’aimaient à rire sans bon sens ; on pensait rien qu’au « fun ». On était une bande de « guiabes » qui passaient le temps, après le travail, à jouer des tours ; c’qu’on en a eu des « times» ! On faisait accroire aux nouveaux qu’on courait la chasse-galerie, vous savez, des voyages en canot d’écorce dans l’air, comme au jour d’aujourd’hui les « aroplanes » c’qu’on appelle ; on leur disait qu’on voyageait comme ça, la nuit, d’un chanquier à l’autre et qu’on allait voir nos blondes dans les paroisses ; aussi qu’on s’battait, derrière les campes, avec des loups-garous, des feux-follets, ou des grippettes. On arrangeait des « trics » pour leur faire voir que tout ça c’était vrai comme l’Évangile. Eux autres, les nouveaux, vous pensez, ça tremblait d’peur dans leurs pantalons, pendant qu’les anciens, on s’mourait d’rire… »