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LE FRANÇAIS

squares et des parcs publics, quelques pelouses qui coupent des renflements d’édifices monstrueux. Au centre du paysage s’arrondissent des coupoles et se profilent, en traits indécis et sur un fond d’eau lointain, des tours et des clochers dont les pinacles s’arrêtent au bord de perspectives sans fin, pendant qu’aux entours s’étend une nappe illimitée de toits uniformes tailladée de raies sombres qui sont les ruelles des quartiers populeux et le long desquelles se resserrent des maisons prises en masses sinueuses et en denses empâtements…

À demi éveillé par la bruyante commotion du vieux Blond qui s’ébroue, Jacques Duval réalise qu’il vient d’entrevoir, hallucinant fantôme, Montréal qu’il avait contemplé, un jour, en réalité du haut du Mont-Royal où il était monté au cours de l’un de ses trop fréquents voyages dans la Métropole. Comme aujourd’hui, du trécarré de la terre paternelle, Jacques avait subi l’émotion que créent ces spectacles où s’inscrivent les appétits, les désirs, les fêtes, les amours et les plaisirs des masses où l’on voudrait figurer…

Mais voilà que, là-bas, un coin du paysage s’agite en même temps qu’il s’éclaircit. Dans la verdure blême d’un parc sans doute, des ombres circulent et sautent. Les empâtements de pierres grises se dissipent, s’évanouissent comme fuit la brume matinale enveloppant le lac Témiscamingue quand le soleil surgit de la crête des montagnes des Quinze ; ils font place à des champs éblouissants de clarté où se détachent avec netteté les moindres ombres… Jacques a comme l’impression qu’il se passe autour de lui des choses désagréables qui