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LE FRANÇAIS

gnera, il le réserve pour la future installation du logis à la ville. Aux Fêtes qu’il viendra passer à Ville-Marie, un peu aussi avant les neiges, mais surtout à son retour, aux environs de la débâcle des glaces, il livrera les assauts nécessaires pour conquérir la place chez Jean-Baptiste Morel : chasser le Français d’abord, convaincre le père que son intérêt et celui de sa fille est de vendre sa terre, puis se faire passionnément aimer de Marguerite ce qui, en vérité, serait facile. Quant au théâtre de son futur bonheur, il n’en est pas en peine vraiment. Depuis longtemps, il est en relations avec un ami de Montréal qui a promis de lui trouver, dès l’été prochain, une excellente place de commis dans une grande épicerie de l’est de la ville ; il lui a même offert de lui découvrir pour le printemps un logement confortable, pas cher, et qu’il meublerait à bon marché chez des marchands de « seconde main ». Voilà, ce n’était pas plus difficile que cela. Le plan de campagne et de conquête était trop simple pour ne pas être le plus facilement du monde exécuté à la lettre. D’ici là, vrai, il n’y avait qu’à suivre le cours des choses pour que tout s’arrangeât selon ses désirs.

Jacques Duval envisageait cette ravissante perspective de bonheur conquis à si bon marché, une grise après-midi de fin d’octobre, que juché sur un tombereau chargé de fumier, il s’en allait, en haut de la terre, fumer un coin de prairie où souvent son père avait exprimé l’intention de semer des patates.

Octobre déclinait mais resplendissait quand même sous la force magique de l’Été des Sauvages. La sai-