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LE FRANÇAIS

longue que le doigt. L’agronome, quand il est arrivé à Ville-Marie et que j’ai été le consulter pour voir, m’a conseillé de semer tout de suite de l’avoine dans cette pièce-là. Mon vieux, à l’automne, j’avais de l’avoine de trois pieds de haut, crois-moi ou crois-moi pas. L’année d’ensuite, j’ai semé du trèfle et c’est venu à rouleaux. À la fin, c’printemps, j’ai resemé du blé et si t’avais vu ce blé-là au mois d’août ; c’était de toute beauté. Pourtant, il y a d’là sécheresse, comme tu sais !… Non, tu comprends, Jean-Baptiste, on peut pas tout savoir, et on a beau connaître nos terres, il y aura toujours à apprendre dessus… La culture, asteur, comme on lit souvent dans l’« Journal d’Agriculture », c’est d’là science et il faut qu’ça s’apprenne ; ça peut pas venir tout seul.

— T’aurais bien pu t’apercevoir tout seul qu’on peut pas semer toujours, toujours l’même grain dans l’même champ, il m’semble.

— C’est à savoir !… L’savais-tu, toi, avant qu’ça s’apprenne dans la paroisse ? C’est comme, dans l’jardin, Madeleine peut t’en dire quelque chose. Pendant des années et des années, la mère a semé des carottes dans l’même carré, des oignons toujours à la même place. Asteur, à la place d’l’oignon d’l’année dernière, elle a semé des fèves ; à la place des fèves, elle sème des bettes ; elle change ça tous les ans. Vas voir son jardin, mon vieux, tu m’en diras des nouvelles ; ça rapporte trois fois plus qu’avant et avec moins de fumier…