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LE FRANÇAIS

naient bien sagement assises à l’autre extrémité de la table, vis-à-vis du père :

« Et à l’école, comment ça va ? » demanda, pour engager la conversation, Jean-Baptiste Morel à la plus âgée des fillettes.

— Ça va bien, monsieur, répondit-elle d’un air gêné.

« C’est bien tannant, à l’école », hasarda Arthur, moins gêné, « surtout avec la nouvelle maîtresse. Ah ! la vieille « gribouche » ; elle passe son temps à hurler après les enfants. »

« Oui, elle est maline, c’est effrayant », renchérit Régina, le « nichouet » de la famille, jolie pouponne de six ans, aux joues rouges et pleines, aux cheveux d’or ébouriffés. »

« Voyons, voyons, les enfants », fit doucement André Duval, qui était commissaire de l’école du Rang, « je vous ai déjà dit de ne pas parler mal de vot’maîtresse. »

Puis, s’adressant à son ami :

« Si tu savais la misère qu’on a de trouver des maîtresses d’école. »

— Oui, intervint madame Duval, si on écoutait les enfants, ou courrait tout le pays sans trouver une maîtresse qu’ils aimeraient.

« Mais celle-là, j’vous dis qu’elle est terrible », fit encore en levant le nez, Arthur occupé à gruger un épi de blé d’inde dont le beurre qu’il avait mis dessus lui dégoulinait le long du menton.

« Voyons, toi, le renard… » fit le père.

— Oui, cria la mère, faisant de grands gestes vers