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LE FRANÇAIS

abondant tout le long de la lisière ; avec de grands éclats de rire, il lançait ces gerbes en l’air au-dessus de la tête de la jeune fille qu’il inondait d’une pluie de fleurettes. Des tales de cerisiers apparurent, ensanglantées :

« Oh ! qu’elles sont grosses et belles et si pleinement mûres ! » s’écria Marguerite.

Aussitôt, trop content de la voir heureuse, Léon avait grimpé dans un arbre à cerises avec l’agilité d’un écureuil et, détachant à pleines jointées les grappes dont le carmin mettait en sang les branches, il les lançait sur le gazon, vers la jeune fille. Elle, sans façon, avait relevé un pli de sa robe de cretonne bleue et s’amusait à recevoir le plus possible de la rouge avalanche de grappes entremêlées de feuilles vertes ovales. Quand Léon avait vu, d’en haut, la robe débordante, il avait lestement sauté à terre et là, sous le soleil tiède de septembre qui grise, il s’était blotti aux côtés de la jeune fille assise sur un tronc et en train de trier les cerises parmi les feuilles.

Épaule à épaule, lui, humant la chevelure de la jeune fille plus odorante qu’une touffe de mélilots jaunes, elle, l’œil radieux sous la frange veloutée de ses longs cils, la gorge chastement affolée, ils avaient lentement grignoté la cueillette. Et, chaque fois que dans le tas épandu sur la cretonne bleue, se rencontraient quelques mignons bouquets où plusieurs grappes des petits fruits pendaient ensemble, avec mille précautions gauches, de sa large main déjà calleuse à cause des travaux de la saison, il cherchait à les accrocher aux