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LE FRANÇAIS

terre sur l’humus incendié. Mais l’on reconnut bientôt que ce travail était aussi inutile que le premier. Le feu était trop violent et il n’y avait pas assez d’ensemble dans le travail ; il eut fallu en un instant creuser tout le champ. Les flammes qui couraient dans l’humus sec se faisaient, entre chaque homme, un chemin qu’il fallait ensuite couper plus bas que la tranchée et ainsi abandonner cette dernière. Il arrivait qu’un homme croyant le feu éteint en arrière de lui et reprenant son travail au fossé, voyait tout à coup s’embraser les grosses racines de l’une ou l’autre des souches qui parsemaient le champ. La souche était bientôt en flammes et chaque homme devait ainsi sans cesse recommencer le travail, en arrière.

Le travail de tous ces hommes ressemblait aux efforts inutiles et fatigants que l’on fait dans un rêve.

L’équipe s’énervait et les femmes s’alarmaient. Elles se tenaient par groupes serrés de l’autre côté de la clôture. Il y en avait qui étaient descendues des rangs, quelques-unes avec leurs nourrissons dans les bras. Chacune d’elles, tout en parlant de mille choses, étrangères au feu, criait de temps en temps aux hommes le moyen qu’elle croyait le meilleur pour arrêter la marche du fléau. Les hommes laissaient crier et continuaient leur travail. Jusques là, l’on avait essayé tous les moyens les plus en usage en pareille circonstance. L’effort particulier, chacun étant libre, n’avait pas été plus efficace que l’effort général. La tranchée ne réussissait pas plus que la chaîne. À un moment,