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LE FRANÇAIS

des montagnes, le printemps à la fonte des neiges. Les arbres, les arbustes, les plantes, l’humus craquant de sécheresse, depuis près d’un mois, et même les fourrés de bois vert les plus épais, flambaient comme des paquets d’allumettes. Du village, vers midi, l’on vit descendre le torrent comme vient une locomotive lancée à toute vapeur sur une voie libre. Une nuée de fumée opaque s’étendait jusques sur la baie pendant qu’une odeur insupportable de bois brûlé pénétrait dans les maisons. Au-dessus de la forêt l’on voyait s’élever, puis se pencher, de côté et d’autre, une immense colonne noire. De temps en temps, une lueur rouge que l’on distinguait à travers la fumée montait droit vers le ciel ; elle provenait de l’incendie subit de touffes de résineux, sapins, épinettes et pins, que le feu calcinait en un instant. Bientôt, une pluie de cendres légères et d’étincelles, chassée par le vent, se mit à tomber sur les maisons du village tandis que se faisait entendre un crépitement continuel, sourd ou sonore, selon les rafales ou les accalmies du vent. Une bourrasque plus forte, fit en un instant disparaître toute la forêt derrière un énorme rideau de fumée dont le haut, courbé par le vent, s’étendait comme un voile mobile à travers le ciel subitement obscurci. Puis, le crépitement des flammes à mesure que celles-ci prenaient corps grâce à l’abondance des éléments qu’elles trouvaient à dévorer, devint un sourd grondement continu, effrayant, comme le tonnerre au fond du ciel noir par une nuit d’orage. Quelle vitesse terrifiante avait pris soudain