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LE FRANÇAIS

protestations, les griefs, souvent, l’indignation presque deux fois séculaire, qui furent la vie des ancêtres, contre l’ennemi vainqueur qui était l’étranger, l’amour de la petite patrie canadienne, ce coin laurentien de Québec, est devenu sacré et, pour lui, comme le monde entier hors duquel il n’y a que la barbarie, que l’égoïsme accapareur des pays européens, des états voisins, et l’athéisme général de l’univers, destructeur des vieilles traditions auxquelles il tient par-dessus tout. Pour ceux du « pays de Québec », aigris par l’abandon et par l’oubli, plus tard, par l’indifférence, la France même, mère-patrie vénérée pendant deux siècles sur les bords du Saint-Laurent, terre natale des ancêtres qui suivirent Champlain, Giffard et tant d’autres, la France aux fleurs de lys n’est plus ; et la France d’aujourd’hui est loin d’être la France. Le Canadien-français tient sa langue, sa religion, ses traditions qui lui viennent des aïeux comme les siennes propres et que ne possède plus la France d’aujourd’hui. Il aime encore la France, mais avec la pensée qu’elle fut le pays de Champlain et de Frontenac. Il réalise difficilement qu’à cause des perturbations politiques, elle soit restée la même et il s’efforce de croire qu’elle a été l’ancienne. C’est pourquoi l’on voit encore, plus d’un siècle et demi après la conquête, des vieux qui n’ont jamais voulu franchir les limites seigneuriales de leurs vieilles paroisses, demander aux étrangers qui les visitent des nouvelles du Roi de France…

Au moment de cette catastrophe dont fut menacé, en cette journée de fin d’août, le village de Ville-Marie,