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LE FRANÇAIS

mission générale ; du moins, c’est ce que j’ai compris en toute conscience… »

Les auditeurs du Frère lancèrent un formidable éclat de rire. André Duval ralluma sa grosse pipe jaune et le marchand de Guigues lança dans le lac le bout de son cigare pendant que le gas au chandail rouge exécutait un pas de gigue simple sur le pont…

« Vous pensez », continua le Frère Moffet, « que je ne me fis pas répéter deux fois ce que le Père venait de me dire. Je courus rejoindre mes petits sauvages qui me sautèrent au cou quand je leur annonçai que nous allions faire de la terre au fond de la baie. Tout était à point. J’avais aussi fait préparer les outils et des provisions pour plusieurs jours. Mais pour ces dernières, je comptais surtout sur la pêche et sur la chasse que mes petits Indiens aimaient à la folie. Nous filâmes, sans tarder, au large de la baie, nous dirigeant vers le fond. Je disais à mes petits compagnons : « Ne regardez pas en arrière de peur que le Père ne change d’idée et nous rappelle… »

Une heure après, mes enfants, nous étions arrivés et nous commencions, sans perdre une seule minute, à faire de la terre. Je vous assure que les arbres tombaient drus. Pendant quatre jours, la forêt retentit du bruit de nos haches frappant, des heures et des heures d’affilée, sur le tronc des pins et des bouleaux. Après nous mîmes en tas les branchages, les souches et les ferdoches, et nous les brûlâmes ; pendant toute une journée, la fumée monta vers le ciel. Je ne sais pas ce que dit le Père Supérieur quand il la vit de la