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LE FRANÇAIS

chefs de la tribu, pour célébrer l’arrivée du printemps au Témiscamingue…

Léon Lambert resta un instant comme effrayé du coup d’audace dont il croyait s’être rendu coupable à l’égard de Marguerite. Pendant quelques minutes, il s’attendit à une vive rebuffade de la part de la jeune fille dont le minois frais et souriant, d’abord, l’effraya presque. Mais ses craintes se calmèrent vite et son âme à l’unisson de celle de son amie put goûter, durant les instants suivants, en toute sécurité, la douceur de cette belle nuit champêtre…

Il faut le reconnaître, Léon Lambert était bien le garçon le plus timide en amour, le plus empêtré, par conséquent, le moins capable de se tirer par ses seules forces des pas difficiles où il avait laissé tomber son cœur. Comme nos paysans, sans doute, ces gas des campagnes de France s’amusent peu aux bagatelles des sentiments. Les mariages, dans nos campagnes du pays de Québec, se bâclent vite. Nos jeunes gens ne s’avisent pas souvent de devenir amoureux et ainsi de laisser traîner les choses en longueur. Non seulement nos gas s’abstiennent de souffler mot de leurs intentions aux parents ou même à l’objet de leur flamme, mais on les voit se cacher ou fuir les occasions que leur ménage le hasard de déclarer leurs sentiments… Et c’est presque pitié de voir de robustes gaillards, vigoureux, solides comme des troncs de merisiers, trembler ainsi qu’une feuille parce qu’une petite fille que leurs mains rudes et larges eussent écrasée comme une