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LE FRANÇAIS

fauvettes, effrayée à la vue de l’émerillon, s’était envolée et, seuls, restaient au bord de la courbe, les pauvres petits de la fauvette enlevée par l’oiseau de proie. Il en eut pitié ; il se mit à la recherche de leur nid, le trouva, les y déposa, leur donna des sauterelles dont il ramassa des poignées dans un petit chaume voisin. Le lendemain, il revint et donna de nouveau à manger aux oisillons. Il avait apporté un fusil, pensant avec raison que l’épervier reviendrait. Il le vit, en effet, tourbillonner au-dessus de la fontaine et descendre ; mais le monstre n’alla pas loin. Un coup de fusil l’abattit dans des touffes de fougères. Il courut pour s’en saisir ; mais l’oiseau n’était pas mort tout à fait. Il lui donna un grand coup de bec au front…

Et Léon montrait à Marguerite une légère cicatrice qu’il portait au front près des premiers cheveux :

« Ce n’est pas une blessure de guerre, malheureusement », fit-il remarquer avec mélancolie.

Marguerite, émue, songea qu’il était mieux que ce ne fut pas une blessure de guerre. Il y a de la haine dans une blessure de guerre et celle que portait Léon au front était le témoignage de sa bonté. Elle fut heureuse d’apprendre que pendant quelques jours, il avait amoureusement veillé sur des oisillons menacés par un vilain oiseau de proie qui avait ravi leur mère, et savoir qu’elle serait l’objet de la même bonté la comblait d’allégresse. Celui qui avait conservé à la vie de misérables petits oiseaux saurait être pour elle une force et un soutien. Il était bon et il était brave ; il l’avait prouvé par Dieu sait quelles souffrances. Il