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LE FRANÇAIS

entendait les gousses brunes et dorées des fèves craquer et s’ouvrir pour répandre leurs graines sur le sol.

Marguerite besognait à ses oignons et Léon voulut l’aider.

« Non, laissez faire », dit-elle, « j’aurai bientôt fini. Les oignons sont beaux, cette année… regardez-moi ça ; pas une piqûre de vers. Malheureusement je n’en ai que trois carrés. L’an prochain, il m’en faudra cinq. C’est de la bonne terre, ici, pour les oignons. »

De nouveau, le Français voulut aider la jeune fille à corder ses paquets sur le rebord de l’allée. Leurs mains rudes et gercées, salies de terre sèche, se touchèrent et, comme ils étaient très rapprochés, ils s’embrassèrent presque. Ravis, ils tressaillirent d’une ivresse profonde. La jeune fille dit :

« L’autre jour… mon père m’a parlé de mariage… Je lui ai dit la vérité. »

Léon Lambert, qui n’avait jamais eu le bonheur d’un aveu, devina, et fit comme s’il savait déjà depuis longtemps : « Ah ! et qu’est-ce qu’il a répondu ? » demanda-t-il faisant trembler une botte d’oignons qu’il tenait entre ses mains.

« Il n’a rien répondu… » dit Marguerite après quelques secondes d’hésitation. Il y eut un silence. Un triangle d’oiseaux passa au-dessus du potager en gazouillant. C’était des hirondelles qui prenant de l’avance de peur d’être prises au dépourvu par les froids hâtifs, quittaient déjà le Témiscamingue et s’en allaient villégiaturer dans le sud. Quelques petits nuages très blancs erraient dans le ciel bleu foncé. Le soleil