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LE FRANÇAIS

me stupéfié ; jamais il n’avait pensé à ce que venait de lui dire sa fille qui lui parut, en cet instant, comme une sorte de divinité imbue de toutes les sciences… Ce qu’elle venait de lui développer, c’était si bien ce qu’il croyait maintenant avoir pensé toute sa vie. Entêté, il aurait eu à faire encore quelques objections ; son patriotisme de clocher eut voulu résister encore. Il eut la pensée de dire que l’amour de Marguerite peut-être ferait de Jacques Duval un bon fils, un homme sérieux, un cultivateur ambitieux, un patriote ; qu’elle seule pourrait le conserver à la terre québécoise… Mais il n’osa pas. Une sorte de timidité l’avait saisi devant la fière allure de sa fille. Il se contenta de hasarder encore une fois l’expression timide et peu convaincue de l’ambition dont pourrait être animé son engagé pour sa terre. Mais Marguerite défendit derechef l’émigré contre ce soupçon. Ayant épuisé, enfin, tous ses arguments, elle lança, ardente, téméraire :

« Léon Lambert continuerait de m’aimer, j’en suis sure, père, quand même il serait certain de rester toute sa vie garçon de ferme !… »

« Tu l’aimes donc bien ? » fit le père, après quelques instants de silence.

Et Marguerite précisa :

« Oui, parce que je le sais bon ; parce qu’il est doux et sérieux ; parce qu’il aime la terre et qu’il est travailleur. Il est un vrai fils de terrien. Pour l’avoir vu au travail pendant quelques semaines seulement, j’ai appris à le connaître mieux que je n’ai connu tous