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LA RIVIÈRE-À-MARS

çons se coupaient des gaules longues de six à dix pieds, à l’extrémité desquelles ils attachaient des bouts de fil munis de petits hains noirs que le capitaine apportait de Chicoutimi avec d’autres marchandises. On longeait la rivière sur les cailloux. Au bord d’un remous, soudain, l’un d’eux poussait un cri de triomphe. Une petite ombre, verte comme une feuille de bardane, se mouvait dans le courant de fond. C’était une truite. Le jeune pêcheur l’approchait alors le plus près possible avec l’hameçon piqué jusqu’à l’œil d’un minuscule morceau de lard. Et c’était, un instant, la lutte de la ruse entre l’enfant et la truite défiante. Souvent elle disparaissait dans un rapide d’à-côté, donnant de menus coups de queue qui faisaient sautiller dans l’eau son ventre clair pointillé de picots rouges. Mais le plus souvent la truite se prenait à l’hameçon, et on la voyait se balancer, frétiller dans l’air, au bout du fil, puis brusquement plonger dans une touffe de fougères, sur la rive. Les petits garçons en prenaient comme cela des douzaines, et, le soir, à la maison, la famille les mangeait rôties avec des tranches de lard salé et roulées dans la farine.