Page:Potvin - La Rivière-à-Mars, 1934.djvu/92

Cette page a été validée par deux contributeurs.
94
LA RIVIÈRE-À-MARS

sort de la cabane. La lune était piquée en l’air comme au bout d’une gaule au beau milieu de la baie, et elle éclairait comme en plein jour. Quelles confitures ! Les hommes sortirent l’ours de la boîte, vous imaginez dans quel état ! Fallut aller chercher des seaux d’eau sur la grève pour le laver avant de le débiter. Personne n’avait plus envie de dormir et le reste de la nuit se passa à peler l’ours et à couper sa viande par quartiers qu’on fit tremper dans de l’eau froide pour les conserver. On n’espérait plus manger de pareils rôtis. C’était aussi bon que du porc frais.

« Le fait est que le lundi matin, quand on est arrivé chez nous, pour s’amuser, on fit accroire aux femmes qui étaient restées aux campes, qu’on avait trouvé au pieds du Cap-à-l’Est un cochon perdu, échappé de Chicoutimi ; qu’on l’avait tué pour se régaler de porc frais. Les femmes, crédules, firent rôtir ce qui restait des quartiers de l’ours du Cap-à-l’Est et elles restèrent longtemps convaincues qu’elles avaient mangé des fesses de porc.

— Et tu te souviens aussi, Alexis, lui rappela sa femme, des belles soirées qu’on passait à la Croix, pendant les premiers étés ? Vous voyez, là,