Page:Potvin - La Rivière-à-Mars, 1934.djvu/9

Cette page a été validée par deux contributeurs.
11
LA RIVIÈRE-À-MARS

taient les deux rives du Saint-Laurent, on se racontait avec effroi les beautés et les horreurs, les légendes et les dangers de ce fantastique pays du fleuve de la mort.

On sait — des indigènes et des trappeurs l’ont rapporté — qu’au delà de la chaîne tumultueuse des pics qui enserrent la rivière, une grande baie s’étend, vaste comme une mer, entourée d’incommensurables forêts de pins qui poussent, d’un sol riche, jusqu’à des hauteurs vertigineuses.

« Ici, des terres en rocailles, dures, pauvres ! », et Alexis Picoté, regardant par-delà le « trécarré », désigne le nord-est d’un geste énergique de ses bras où des boules de biceps roulent sous la chemise : « Tandis que là !… »

C’est ainsi qu’Alexis Picoté se mit à voir le Saguenay, dès le jour où il commença à douter des vertus de sa terre. C’est ainsi qu’il l’entrevoyait quand, dans l’étirement de son corps courbaturé, il se redressait après que sa faux avait couché sur le sol un andain ou, à l’automne, quand il avait arraché de la terre de larges jointées de pommes de terre.

Pourquoi quelques-uns de ses amis et lui ne