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LA RIVIÈRE-À-MARS

« — Mon Dieu, quelle vie, quel martyre ! Ah ! la mauvaise idée qu’on a eue de quitter Charlevoix où on était si bien pour venir se faire dévorer vivants, ici, par les maringouins !

« Ma pauvre femme avait pourtant l’obstination d’un roc. Il y eut un silence. Jean-Baptiste Bouchard dit :

« — Faut pourtant pas se décourager. Il fallait s’attendre à tout ça !

« Benjamin Harvey, lui, ne parla pas. Il profita du silence pour bourrer sa pipe, car vous savez quel gros fumeur il est. Moi, assis sur un bout de souche, les coudes sur les genoux, je fumais à petits coups. Élisabeth hoquetait encore et alors j’ai tourné tranquillement la tête et j’ai dit :

« — Élisabeth, tu m’avais pourtant promis, quand on est venu ici, d’être courageuse jusqu’au bout. Si j’avais su que tu vinsses à pleurer pour des mouches, je serais jamais parti de la Malbaie. Pauvre femme, pense donc, comme le missionnaire nous l’a dit l’autre jour, que la récompense est au bout. Si c’est pas dans ce monde-ci, ce sera dans l’autre. Ça serait même, à ce qu’il a dit, plus sûr ici que partout ailleurs.