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LA RIVIÈRE-À-MARS

jambes robustes. Il regarda longtemps l’effarante monotonie des forêts et des caps qui s’étendaient à l’infini. Il entrevit la coulée fantastique de la rivière Saguenay, la terrible rivière qui a tracé sa route où elle a voulu ! Ses rives sont proches l’une de l’autre, mais, devant, derrière, les horizons ont d’étranges alternances de couleurs, comme des effets de mirage ; incomparables tableaux parmi lesquels l’eau chante de rudes symphonies. Ce n’est pas assez que, pendant des siècles, l’industrieuse rivière a travaillé. Chez elle, c’est encore partout le chaos. Ces pointes, ces baies, ces îlots ont des formes inusitées. Sur les bords, tout est crevassé, tout est gris. On y voit frémir très haut, sur des « crans » abrupts qui montent démesurément, des sapins et des bouleaux qu’un grand vent continuellement plie et balance, rabroue et fait tourner sans que, jamais, ces arbres fassent entendre un murmure, une plainte. Si vague et si mystérieuse, si légère est encore la vie, en ces solitudes !

Et tout ce pays était, au temps d’Alexis Picoté, comme un livre fermé. Dans Charlevoix, comme ailleurs parmi les populations qui habi-