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LA RIVIÈRE-À-MARS

La Rivière-à-Mars galopait depuis longtemps sur ses cailloux. Même les sinistres crans et les caps du sud de la baie, si triples durant leur anéantissement sous l’hiver, semblaient rire et prendre leur part de cette renaissance universelle du sol, de la forêt et de l’eau. Des bouffées chaudes de sève planaient partout comme des germes aériens, traversaient la baie d’un bord à l’autre, faisaient voler de tous côtés les couches de pollen, éternelle fécondation.

Et la baie ? Après avoir, pendant plus de cinq mois, charrié à grand bruit sourd ses massives banquises, elle étincelait maintenant de parures multicolores. La nature entière se réfléchissait en elle. À cette époque de l’année, on ne peut la dépeindre. Il la faut sentir, même de nos jours, malgré les bruyantes manifestations de la haute industrie sur ses bords. Car la nature, ici, est restée maîtresse.

Il arrive parfois, heureux hasard, que l’homme touche un paysage sans le gâter. N’en doutons pas : il en a des regrets ! Car la nature se plie moins au génie de l’homme qu’elle ne le domine et le modèle. On endigue, on détourne le cours de cer-