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LA RIVIÈRE-À-MARS

eux. Il n’y a pas de fosses communes dans nos paroisses. Chaque mort a sa place particulière. Mais on les veut tous là, dans l’enclos bénit par l’Église et sacré par les profanes qui, de chaque tombeau, font symboliquement comme un reliquaire du souvenir.

À cette âpre époque de l’année, c’était une tâche presque surhumaine que d’aller confier ces corps à la terre bénite de la Malbaie. Mais le sacrifice que voulaient s’imposer ceux qui restaient devait être égal pour le moins à celui des chers morts qui étaient partis sans même une parole amie de l’église et de leurs parents éloignés.

Sur une traîne dont on se servait pour transporter les billes de pin des chantiers de coupe à la rivière, on ficela les trois cadavres gelés qu’on avait gardés jusque-là dans la neige. Quatre hommes s’attelèrent à l’atroce randonnée.

On était en février, et l’hiver martelait les falaises énormes du Saguenay d’un bras formidablement musclé. Les tempêtes succédaient aux tempêtes, nivelaient la route vers le fleuve à coups répétés de lanière, après l’avoir surchargée de neige et de grésil.