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LA RIVIÈRE-À-MARS

vieux avant le temps. À soixante ans, on se sent déjà moins valeureux. Il y a des jours où l’on aime à rester à la maison, à se faire servir une tisane par ici, à se faire appliquer un emplâtre par là. Au moindre malaise, on a peur des labeurs, du froid, de l’humidité. Les cheveux d’Alexis Picoté grisonnèrent rapidement et les traits de son visage se relâchèrent, perdant la fermeté de ligne que donne l’activité. Ses yeux se dissimulèrent vite derrière ce voile de brume qui marque les vieillards.

Et les échéances de la Toussaint arrivèrent quand même. Dans ces derniers temps, pour aguicher Pierre, pour garder le gendre, on s’est laissé tenter par des vendeurs de machines de toute sorte qui sont venus, grâce au service de la « Richelieu & Ontario », offrir leurs marchandises jusqu’au lointain et solitaire Saguenay. Les conditions d’achat sont si faciles et les prix si raisonnables ! Comment ne pas se laisser tenter par une laveuse mécanique, une écrémeuse, quand on voit la femme s’esquinter à la journée ? Et puis un râteau à cheval fait de la bonne besogne au temps de la fenaison. À la grange, rien ne rem-