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LA RIVIÈRE-À-MARS

ture lassée du jour. Dans l’obscurité grandissante, la terre est maintenant seule. Il n’y a plus dessus âme qui vive. Les maisons se pelotonnent sous les saules. La route semble longue au pas tranquille du Blond. Le long du chemin, des lumières s’allument derrière les vitres, indécises dans l’emmitouflement de la pénombre. Il fait encore un peu jour dans la pourpre de l’Occident. À l’autre bout du ciel, l’étoile du Berger scintille, puis en appelle d’autres qui viennent douter de feu l’ombre qui s’épaissit.

Ce soir-là, à la maison, Alexis Picoté et sa femme n’eurent pas le temps ni le cœur de souper. Des voisins vinrent veiller, mais les conversations languirent.

Ce furent ensuite de tristes jours. Au début de l’automne, les voisins aidèrent encore Alexis à rentrer ses moissons qui étaient maigres. Il fit seul avec Élisabeth la récolte des patates. Ses rhumatismes devenaient de plus en plus fréquents et il fumait plus souvent à la maison qu’il ne travaillait aux champs. On ne mène pas une vie de misère comme la sienne sans qu’il en coûte quelque chose à la valeur humaine. On devient