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LA RIVIÈRE-À-MARS

Il revint à Saint-Alexis quand le soleil allait disparaître derrière les montagnes. La lumière exquise comme un sourire qui caressait les champs de la moisson mûrissante le consolait mieux que ne l’auraient pu les sympathies des humains. Les collines de la baie festonnaient le ciel de leurs banderoles vertes, et l’Occident s’empourprant de seconde en seconde y fondait les unes dans les autres ses harmonies de nuances.

En traversant le pont de la Rivière-à-Mars, Alexis Picoté s’arrêta. Il calma sensiblement son âme en posant son regard sur l’horizon ami qui s’étendait tout alentour. Une tristesse apaisée l’attendrissait. Au large de la baie embrumée, il aperçut les feux déjà allumés et scintillants sur l’eau du navire de la « Richelieu & Ontario » qui emportait son aîné. Mais en un instant tout disparut derrière les montagnes. Alors il reporta son regard sur l’eau tourbillonnante de la rivière, sur le courant tout blanc d’écume à travers les cailloux, qui avait déposé là jadis le corps pantelant de son Arthur. Là-bas, le bateau lui volait son aîné ; ici, la rivière avait tué son cadet.

Puis le sommeil descendit doucement sur la na-