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LA RIVIÈRE-À-MARS

mont ou dans le Massachusetts. Peu importait à Alexis ; il ne voulut pas même le savoir. Son fils s’en allait aux États-Unis et il le laissait seul. C’est tout ce qui l’obsédait ; et c’était trop. Il comprenait aussi qu’il fallait qu’il le laissât partir sans mots aigres, sans vaines protestations. Alexis Picoté avait même compris que son devoir, avant le départ de son fils, était de recueillir tout ce qu’il pouvait trouver d’argent pour lui constituer sa part d’héritage. La dernière paye de la fromagerie venue quelques jours auparavant, le produit de la vente de trois bêtes à cornes, de deux porcs engraissés et de quelques moutons, y passèrent. Ce fut tout ce qu’il put faire.

Le lendemain des noces, Alexis Picoté alla mener au quai de Saint-Alphonse les deux jeunes époux.

Et Pierre partit sans autre émotion que la double joie d’un bonheur qu’il croyait éternel et d’une vie toute nouvelle qu’il commençait. Le père non plus ne put exprimer un mot d’adieu : du fond de sa gorge montaient des coagulations d’amertume qui lui faisaient mal et qui le brûlaient comme un acide.