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LA RIVIÈRE-À-MARS

ils s’engouffrent, pressés, impatients de courir sur la surface plane de la baie et de s’attaquer ensuite aux cimes des pins.

Après les avoir vus courir sur les flots, on les entend. Laissant l’eau qui n’offre, sans doute, pas assez de résistance à leur ardeur belliqueuse, ils assaillent les troupes incommensurables des arbres, dont les têtes s’inclinent subitement comme des ailes qui se referment. De grands murmures, des grondements sourds envahissent alors la baie, toute la forêt. Quelquefois, un grand pin se rompt et tombe sur l’épaule des autres qui le laissent choir jusqu’au sol. Les aiguilles, par milliers, pleuvent sur la mousse qu’elles brunissent. Et les vents passent dans un fracas de branches qui s’entrechoquent et se brisent. Rumeur formidable, émouvante !

Et pourtant, parmi ce peuple d’arbres en émeute, l’homme peut avancer sans peur. Dans la solitude qui l’enlace de partout, sur les sentes élastiques, tapis veloutés qui cachent des traîtrises, rôdant à travers les arômes balsamiques, cherchant l’accueil de vos narines et s’imposant, le vent est un compagnon connu de longue date,