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LA RIVIÈRE-À-MARS

d’Alexis Picoté où, depuis les débuts de la petite colonie, on n’avait jamais cessé de venir fumer la pipe et jaser.

— Depuis notre naissance, nous autres, disait une fois Alexis Picoté, toujours considéré comme le chef, on suit d’un pas tranquille notre petit bonhomme de chemin dans la route que nos parents nous ont enseignée. On pourrait espérer que nos garçons fassent de même. C’est comme ça que ce qui était bon voilà cinquante ans ne le serait plus, pouvez-vous me le dire, hein, vous autres ?

Et les veilleux approuvaient de la tête.

— Les goguelureaux d’aujourd’hui sont ben simples de croire toutes les balivernes qu’on leur raconte, continuait Alexis Maltais. On dirait qu’ils ont un cerf-volant à la place de la tête. Ils sont pas ce qu’on a été. Nos garçons et nos filles ne peuvent plus suivre nos traces. Ça leur fait peur. Il faut dire qu’on s’en est aperçu à peine, nous autres, de la misère, occupés qu’on était à ouvrir nos terres. Et quand, un soir, nous autres, les anciens, les vieux, comme on nous appelle quand on a à peine cinquante ans, quand on s’est