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LA RIVIÈRE-À-MARS

— Tu sais, Élisabeth, c’est pour toi et c’est pour moi aussi. On commence à devenir vieux. On est tout fin seuls, et j’ai mes saprés rhumatismes. On faiblit et il faut qu’on travaille encore comme des jeunesses de vingt ans. Ça durera ce que ça durera, mais pas longtemps, m’est avis. Vois-tu, c’est notre petit Arthur qui nous aurait sauvés en prenant la terre et en nous remplaçant. Sur nos vieux jours, on se serait donné à lui. Pierre, il faut plus y compter, tu le sais. C’est fini. Y a plus à fier nos vieux jours sur lui. Jeanne était une bonne fille qu’était légère un peu, c’est vrai, mais qu’était solide et qu’aimait quand même la vie d’habitant. C’est vrai qu’elle s’est amourachée d’un gars qu’était pas de notre condition et qui ferait malaisément un habitant. Mais, des fois… on sait jamais ! Si on leur offrait de venir travailler avec nous autres ? La terre leur resterait. C’est pas à dédaigner, ça, hein ? Qu’est-ce que tu dis de mon idée, la mère ?

Élisabeth ne répondit pas tout de suite. Elle s’arrêta de tricoter et fixa, pendant quelques instants, rêveuse, tout ce qui brillait sur la baie,