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LA RIVIÈRE-À-MARS

coulées, cédaient tous les jours du terrain, battus en brèche par les rayons à pic. L’herbe prenait à vue d’œil ses teintes foncées ; certains coins de pré étaient déjà jaunis par l’or envahissant des pissenlits. L’élan de la végétation reprenait avec ardeur.

Alexis Picoté percevait avec plus d’acuité que jamais l’ensorcellement de cette rénovation toujours nouvelle, encore qu’elle se répète chaque années. Aussi, comme s’il eût voulu s’en soûler, il ne cessait de regarder la baie, les montagnes, les champs, les forêts, surtout les prairies de son domaine qu’il avait devant lui et qu’il verrait bientôt disparaître, il en avait le pressentiment, petit à petit, morceau par morceau, comme il les avait vus s’agrandir.

À ce moment, Élisabeth vint près de lui et, conciliante, lui conseilla :

— Faut point te mettre dans des états pareils mon pauvre Alexis. Vaut mieux te faire une raison. La vérité vraie, c’est que nous avons trop de terre, à c’t’heure. Tu trouves pas, Alexis ?

— T’as raison, Élisabeth, t’as raison. Et M. Blair aussi à raison. Mais comprends-tu, Élisabeth, comprends-tu ça ? Se séparer d’une partie de