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LA RIVIÈRE-À-MARS

qui fait le gros dos par-dessus le chemin, il vient d’apercevoir comme deux bras étendus. Il se baisse aussitôt et, de ses pieds et de ses mains, il fait un trou dans la neige que la poudrerie durcit, et il découvre le corps d’un homme. En une minute, il pose ce corps sur sa charge de grain, le couvre de son lourd capot d’ours, et presse la marche de ses chevaux. Il n’y avait pas de temps à perdre, si ce malheureux vivait encore. Le vent avait calmé un peu sa violence, mais le froid redoublé. Il mordait les membres et frimassait hommes et bêtes.

Le malheureux engagé de Pierre Maltais avait payé de la vie sa filiale témérité d’aller passer la Noël chez ses parents. Lorsque, arrivé chez lui, Roger Larouche déposa dans sa grand’salle chaude et claire celui qu’il avait trouvé au milieu de la baie, on reconnut Jules Gagné. Il était raidi dans le froid éternel.

Quelques heures après, la cloche de l’église paroissiale appelait les fidèles de Saint-Alexis à la messe de minuit pendant laquelle le curé recommanda aux prières de ses paroissiens l’âme du pauvre gars de l’Anse-à-Benjamin. Et, après la