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LA RIVIÈRE-À-MARS

par ceux de la Sainte-Marie ? Il mit du temps à maîtriser son premier mouvement. C’était terrible, ce qu’il venait d’apprendre si brusquement, encore qu’il s’en doutât depuis déjà des années. Mais ces années-là, années de doute et d’incertitude, de craintes et d’espoirs, ne comptaient que pour lui faire éprouver plus de rancœur accumulée devant l’aveu brutal qu’il venait d’entendre. Il sentit la catastrophe : le néant de sa vie et des longues misères qu’avait endurées sa pauvre Élisabeth, toujours en vain.

C’était à ses enfants qu’il songeait en travaillant. Et il n’a maintenant que Pierre, le traître. Et sa pensée, farouche, retourne vers ce triste soir où sur les cailloux de la Rivière-à-Mars on trouvait le cadavre de son pauvre cadet, celui qui partageait son ardent amour pour la terre, qu’il aurait si volontiers laissé à la tête de son domaine, sûr de sa pérennité. De ses deux fils et de son gendre, qu’il imaginait naguère dans ses champs, faisant naître autour d’eux la vie et la prospérité, retournant le soir, à la maison, au soleil couchant, dans le bonheur familial, de ses rêves qui avaient animé et soutenu le labeur de toute sa vie, la mort avait