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LA RIVIÈRE-À-MARS

trait et qui le saluaient d’un silencieux signe de tête, les champs bariolés des sillons du labour imprégné des robustes senteurs du sol, tout ce qui constituait jusqu’ici ses racines dans la vie, le portait au désespoir et au désir de la mort. Car à côté de tout cela s’infiltraient dans le flou de sa pensée, la mélancolie des abandons, la tristesse des maisons délaissées et des dépendances effondrées, disant l’agonie des familles mourantes, des vieux sans enfants, des terres en friche ou mal cultivées par des mercenaires qui n’ont le goût ni de les connaître ni de les aimer, des déracinés en installation provisoire dans les foyers prêts à s’éteindre, qui attendent avec hargne la mort des vieux sur leurs terres si vaillamment conquises à la forêt, pour faire l’encan et déserter avec indifférence.

La nuit descendait vite. Un souffle frais venait du nord et la première étoile clignotait sous le voile d’un léger brouillard. Sur la campagne passait le frisson des nuits sereines et froides d’où pleuvent les rosées que la nuit congèle.

Alexis Picoté n’avait pas de confident à qui dire sa peine et dépeindre les tristes images qui lui passaient sous les yeux comme paravents des autres