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LA RIVIÈRE-À-MARS

carré, les deux jeunes gens qui fauchaient du foin bleu. Eux seuls, en ce moment, animaient le paysage immobile dont Jean-Baptiste Caron semblait ressentir en plénitude la paix radieuse. Tout au bout du chemin aux charrettes qui serpentait à travers les losanges vert pâle des champs, il apercevait sa maison et ses dépendances à demi cachées derrière un rideau de saules. La maison semblait solidement assise, face au soleil qui faisait briller au loin ses fenêtres en même temps qu’il couvrait les cimes des arbres de poussière d’or roux.

Jean-Baptiste Caron frappa sa pipe de plusieurs petits coups secs sur un piquet de clôture, vida le fourneau d’un reste de cendres chaudes, et pendant qu’il la plongeait dans sa blague et la rebourrait de tabac frais, haché gros, il dit :

— Vois-tu, Alexis, ce qu’il faudrait à Pierre, ce serait de se marier par ici avec une autre fille de Tancrède Desbiens. C’est le mariage avec une bonne fille d’habitant comme ça qui l’attacherait pour tout de bon à la terre. Mais j’avoue, mon pauvre Alexis, qu’il est trop tard puisque ton Pierre est bien décidé de partir.