Page:Potvin - La Rivière-à-Mars, 1934.djvu/140

Cette page a été validée par deux contributeurs.
142
LA RIVIÈRE-À-MARS

granger un foin sec. Mais Alexis Picoté était loin d’éprouver le contentement qu’il ressentait au temps de son Arthur, alors que les premières gelées tombaient sur des prairies nettes comme des sous neufs et sur des labours bruns et luisants de terre grasse. Avec ces charités des voisins, il se sentait humilié, comme en sujétion, lui, l’ancien chef des « Vingt-et-Un », qui, au temps de la pinière, avait relevé tant de fois le courage de ses compagnons déprimés par l’ennui et la solitude, lui qui avait tant insisté pour cesser les chantiers de bois afin de coloniser les terres de la Baie et qui avait donné son nom à la première paroisse du pays du Saguenay.

Il se voyait réduit, le chef, à vivre des services bénévoles de ses voisins. Le sentiment de sa déchéance l’engourdissait de tristesse. Ses amis, ses anciens compagnons ne le reconnaissaient plus. Et sa vie continuait, rétrécie de plus en plus, vers l’approche de l’irréparable, à travers les jours toujours gris, même sous l’ensoleillement du printemps et de l’été.

Un samedi de fin de septembre, Pierre amena Louise Boivin à Saint-Alexis. Bien qu’on n’aimât