Page:Potvin - La Rivière-à-Mars, 1934.djvu/139

Cette page a été validée par deux contributeurs.
141
LA RIVIÈRE-À-MARS

drait la quitter. Seul, il savait bien qu’il ne pourrait plus donner les soins suffisants à ce bien qu’il avait conquis à la forêt. Il faudrait le vendre, s’en aller. Dur châtiment pour vingt-cinq années de labeur, de conquête pouce par pouce sur la nature sauvage. Pourquoi avait-il lui-même quitté, autrefois, la terre paternelle de la Malbaie, puisque le devoir et l’amour qui l’appelaient à travailler à l’avenir agricole de ses fils étaient devenus des leurres dérisoires ? Pourquoi était-il venu trimer aux chantiers de la Rivière-à-Mars et du lac Gravel, se fouler du matin au soir dans une lutte éreintante contre les souches, les racines, les roches des abatis, puisque ses enfants ne voulaient pas du bien-être qu’il leur avait préparé par le sacrifice de tout, puisqu’ils refusaient le don d’un établissement solide sur des terres vastes, fertilisées par les sueurs des vingt-cinq meilleures années de sa vie ?

Il passa l’hiver à ressasser ces amertumes. L’été apporta à son esprit le délassement des fatigues corporelles. Grâce aux corvées organisées par les voisins, les labours, la fenaison, les moissons ne subirent pas trop de retard, malgré un été pluvieux et toutes les peines qu’on avait eues à en-