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LA RIVIÈRE-À-MARS

aux premières moissons, puis aux agrandissements progressifs, aux entreprises forestières dont les misères et les bénéfices ne devaient toujours profiter qu’à la terre, à son extension agricole. Maintenant qu’il se sentait seul, il l’aimait plus que jamais, pour la peine qu’elle lui avait donnée, la fatigue et les soucis jetés comme un levain dans le sol depuis un quart de siècle ; pour l’incertitude constante de récolter les fruits de ce travail obstiné et obscur, l’été dans les sillons glaiseux, l’hiver aux chantiers de la coupe ; pour les inquiétudes cachées dans la beauté des bouquets d’arbres laissés debout ici et là, et des fleurs garnissant les talus et cachant parfois des poisons et des voiliers multicolores d’oiseaux menaçant les récoltes ; pour les espoirs émergeant même des rocailles, des fondrières, des savanes si dures à assécher ; pour ses arômes, son grand air vivifiant, sa force nourricière de santé physique et morale ; pour la vie des bestiaux familiers et amis qu’elle entretient et multiplie ; pour ses rigueurs et ses cajoleries, ses froideurs et ses tendresses, les illusions qu’elle insinue dans l’âme à toute heure, les promesses qu’elle réalise et les rêves qu’elle abat. Et le jour approchait où il fau-