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LA RIVIÈRE-À-MARS

les pieds lourds de glaise séchée, grimpa de nouveau sur son tombereau pour descendre à la maison.

— Ah ! c’est cela, c’est bien cela, la douce vie des champs, mâchonnait-il. Un tourment continuel où la pluie, le beau temps, la chaleur, le froid, les bêtes mêmes deviennent des tyrans. C’est maman qui a toujours eu raison…

Et Pierre Maltais, assis sur le devant de son tombereau, les pieds ballants dans le vide, pensa avec amertume qu’il avait eu tantôt la naïveté de s’attendrir devant la beauté si trompeuse de la terre. Il est maintenant décidé. Il saisira la première occasion pour annoncer à son père qu’il en a assez, qu’il doit partir. La force d’une imagination sans contrepoids l’entraînera vers une vie à laquelle il n’est pas préparé. Comme elles travaillent l’âme de nos gens, ces rêvasseries de nomades qui font de paysans par atavisme un primitif troupeau d’êtres errants et poursuivant la chimère ! Triste spectacle dont nous sommes redevables sans doute à notre hérédité, et surtout à la propagation d’une