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LA RIVIÈRE-À-MARS

qui paissait depuis le matin dans un chaume, venait de sauter dans une pièce de blé d’Inde qu’on laissait encore mûrir sur champ à cause du beau temps. Les bêtes à cornes mangeaient les feuilles vertes et larges, renversaient les tiges, saccageaient tout.

La réalité, ironique et moqueuse, faisait chavirer les rêves de Pierre Maltais. En hâte, maugréant, il grimpa sur son tombereau, rassembla ses cordeaux et cingla le cheval d’un coup de la hart rouge qu’il avait cassée au bord du fossé. Et le tombereau cahotant dans un bruit de cataracte sur les cailloux ronds du chemin aux charrettes arriva au champ où les bêtes faisaient bombance. Le jeune homme courut longtemps, poursuivant une à une les vaches qui, sous les cris et les coups, se sauvaient lourdement, le ventre branlant, les mâchoires encore pleines de feuilles vertes et de fragments d’épis d’où pendaient, dégoulinant de bave, les aigrettes brun doré des épis. Puis, quand les bêtes furent chassées dans leur pacage, il fallut réparer les pagées de clôture abattues, replanter les piquets et aligner les pieux. La brunante eut le temps de venir et il faisait noire nuit quand Pierre,