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LA RIVIÈRE-À-MARS

ces vingt dernières années, qu’elle avait comme lui ses deuils ensevelis dans le cimetière, sur qui l’église faisait en ce moment ruisseler les lumières de sa toiture. En même temps surgissaient en lui les rêves si souvent exprimés des colons, et que la puissance de leur énergie avait réalisés en si peu de temps. Mais avaient-ils même imaginé le couronnement de ce flot de tendresse diaphane qui montait de tout ce coin de la baie en cet après-midi d’automne ? Pour la première fois, le jeune homme eut un sentiment d’amour pour la terre, pour la baie, tirant de son âme assez de chaleur pour la préférer aux grandes villes qu’il ne connaissait pas, qu’il n’avait jamais vues, dont il surfaisait pourtant les charmes, les plaisirs, l’ensorcellement.

Mais voilà qu’au milieu de la terre, un coin du paysage s’agita. Dans la verdure blême d’un champ, des ombres circulaient et sautaient. Pierre eut l’impression qu’il se passait autour de lui des choses désagréables qui brouillaient l’enchantement de ce qu’il venait d’éprouver. Il se réveilla de son rêve et poussa une exclamation de rage.

Le troupeau des vaches et des génisses du père,