Page:Potvin - La Rivière-à-Mars, 1934.djvu/129

Cette page a été validée par deux contributeurs.
131
LA RIVIÈRE-À-MARS

pieds, toute blonde sous le soleil pâle. Il eut un instant d’attendrissement. Il ne s’expliquait pas ce qu’il éprouvait soudain, et qui semblait venir de très loin, pour lui envelopper le cœur d’une nasse de douceur.

Du haut du trécarré, le regard de Pierre s’élargit à mesure qu’il s’accoutumait à la clarté fluide. Il embrassait maintenant toute la vallée de la baie. C’était partout la même beauté blonde et tranquille de la terre colonisée, avenante comme une tête d’enfant dans cette simple et claire toilette d’arrière-automne. Elle se faisait si tendre, sans doute, pour se faire plus regretter après la désertion ? Elle étalait son fonds de mélancolie et les buées ensoleillées de sa gaîté avec tant de complaisance qu’elle parut en ce moment accueillante à ceux qu’elle nourrit de ses fruits comme une mère l’est envers ceux à qui elle donna son âme et sa chair. Il sembla en cet instant à Pierre qu’il n’avait jamais songé à la quitter. Il éprouvait qu’elle avait grandi en même temps que lui, reculant les broussailles à mesure qu’avançaient plus loin ses pas d’enfant, qu’elle s’était successivement transformée comme lui-même au cours de